Publié le 05/12/2009   LA Dépêche du Midi Jonathan Biteau

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Le passage. Un héros ordinaire

 


Qui pourrait deviner qu'un des derniers témoins de la grande Histoire du XXe siècle vit paisiblement ses vieux jours sur la rive gauche de la Garonne ? Dans le monde, ils ne sont plus qu'une poignée à avoir vécu les mêmes événements. Antoine Pinol, 94 ans, est l'un des derniers survivants des Brigades internationales.

En 1936, alors que la guerre d'Espagne éclate, plus de 50 000 volontaires du monde entier s'engagent comme lui pour défendre la République Ibérique face à Franco. Un choix naturel pour Antoine qui explique encore aujourd'hui avec passion : « Après le décès de mon père, ma grand-mère et moi avons émigré à Villeneuve-sur-Lot pour travailler. Q

uand la guerre civile a commencé, je suis allé défendre ma patrie ». Aux côtés de personnages aussi célèbres qu'Hemingway, Orwell, Tito, le jeune lieutenant Pinol est blessé à quatre reprises. Après la victoire des forces fascistes, Antoine quitte son pays et rentre en Lot-et-Garonne. Il épouse en 1939 Candide, immigrée espagnole également, et se trouve projeté dans la Seconde Guerre mondiale.

Son engagement en Espagne lui vaut d'être emprisonné au camp de Septfonds dès le début du conflit. Grâce à sa femme, qui se procure des faux papiers, il s'évade et prend le maquis où il intègre le fameux GF 13. Sabotages, ravitaillements, embuscades se succèdent jusqu'en 1945 où il prend part à la bataille de libération de la Gironde. En 1945, à 30 ans, Antoine Pinol, personnage exceptionnel, démarre une vie normale.

Quand on lui demande s'il a conscience d'avoir eu une vie extraordinaire, il répond vigoureusement : « Non, je n'ai fait que mon devoir, je me suis battu pour la liberté ». Un combat qui a suscité l'intérêt d'un journaliste parisien qui a écrit un livre sur lui en 2006*. Mais ne lui demandez surtout pas une signature, il serait capable de vous chasser de chez lui et il en a encore l'énergie. Sans enfant, sa femme Candide regrette : « Toute notre jeunesse a été prise par la guerre, après il a fallu travailler pour s'en sortir, alors les enfants… »

Aujourd'hui, le couple qui va fêter 70 ans de mariage le 28 décembre prochain avoue ne plus comprendre la société qui les entoure. Après une telle vie, ils ne craignent plus qu'une chose : « On est encore ensemble, mais pour combien de temps ? L'un de nous va devoir affronter la séparation ». Peut-être le plus difficile combat pour ces héros anonymes.

* «Jai vécu la guerre d'Espagne » de Jean-Yves Dana aux éditions Bayard Jeunesse