BORDEAUX : La Résistance espagnole

Une note de la Direction Générale de la Sécurité franquiste

Bordeaux

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(photo d'Eloisa)
Ci-dessous, une note conservée dans les archives du Ministère espagnol des Affaires Étrangères à Madrid.

Il s'agit d'une demande de renfort en effectifs policiers émanant de la Direction Générale de Sécurité - Commissariat Général Politico-Social (Madrid) en date du 23 février 1943.

"L'Agent du Corps Général de Police attaché au Consulat de la Nation à Bordeaux, m'informe que, compte tenu de l'ampleur que prend l'organisation communiste dans cette ville, les Autorités d'Occupation (NT : autorités allemandes) insistent sur la nécessité que soient détachés à Bordeaux, pour une durée d'un mois, 2 ou 4 Agents de notre Nation spécialisés en matière sociale et connaissant suffisamment la langue française, car l'organisation la plus forte et la plus active se trouve parmi les réfugiés espagnols, parmi lesquels nous savons qu'il y a un millier d'adhérents dont seule une trentaine a été arrêtée, sans que l'on puisse décapiter l'organisation."
 

 DGS 1

DGS 2

A noter l'importance de l'organisation communiste espagnole de Bordeaux : un millier d'adhérents. Ce chiffre comprend probablement le noyau dur des militants ainsi que le cercle des sympathisants cotisant à l'organisation et placés en réserve. Dans une note rédigée en 1947, Francisco Perramon, l'un des dirigeant de cette organisation, précise le nombre de militants actifs à Bordeaux en novembre 1942 : 200 militants.  

Involontairement, les Autorités Allemandes rendent hommage aux Républicains espagnols en qualifiant leurs groupes clandestins "d'organisation la plus forte et la plus active". Effectivement, lorsque Philippe Rebière a commis l'attentat, en octobre 1941, contre le commandant Reimers, il a dû avoir recours à des guerrilleros espagnols faute de partisans français aguerris, à cette époque, à Bordeaux.

Une autre indication intéressante figure dans la note :"dont seule une trentaine a été arrêtée". Il est probable qu'il s'agisse de l'arrestation de José Goytia et de ses camarades le 20 janvier 1943 par le commissaire Poinsot.
 
Un peu plus loin, la note de la DGS précise que le policier franquiste du Consulat de Bordeaux "estime qu'il serait intéressant, pour la période actuelle et pour le futur, qu'il puisse continuer à travailler dans l'ombre sans se faire connaître lors des interrogatoires". Ceci est à rapprocher du témoignage de José Goytia :

"Pendant des mois, je fus interrogé et torturé dans les locaux de la Gestapo sans jamais fléchir ou dire quoi que ce soit qui puisse porter préjudice à l'organisation ou à mes camarades. 

Pendant trois mois, je fus mis à l'isolement complet, menottes aux mains, les jambes entravées avec des chaînes. Malgré mon état physique lamentable, au cours du temps que je passais en prison, - presque cinq mois -, il m'était interdit d'aller à l'infirmerie, de me raser ou de me faire couper les cheveux. Des policiers espagnols participèrent à certains de mes interrogatoires, preuve s'il en fallait, de l'étroite collaboration du régime franquiste avec les Allemands.  En juin, extrêmement affaibli, à moitié nu, puisque je n'avais pas de linge de rechange - les vêtements que je portais lors de mon arrestation étant réduits en lambeaux - , je fus transféré de Bordeaux, sous bonne escorte, car j'étais considéré comme un périlleux "terroriste", vers le Fort de Romainville." (Puis Mauthausen).

La note de la DGS poursuit en indiquant que les Autorités Allemandes sont prêtes à prendre à leur charge tous les frais de ce renfort policier et qu'elles sont disposées à livrer à l'Espagne franquiste tous les prisonniers espagnols. 

Fabien