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Mensuel Politis,
jeudi 3 avril 2003
No pasaran ! : une rétrospective des Brigades internationales

par Jean-Claude Renard

L’hôtel des Invalides à Paris propose une rétrospective inédite des Brigades internationales. Une aventure humaine qui se mesure en images.

L’histoire de la guerre civile espagnole est d’abord celle d’une tragédie dans l’Histoire. En 1932, l’avènement de la République met à la porte le roi Alphonse XIII et plonge l’Espagne dans l’affrontement entre les forces de gauche et une version toute locale du fascisme incarnée par les Phalangistes. En 1934, le général Franco réprime les soulèvements populaires dans les Asturies. Sombre répétition générale. La victoire du Front populaire en février 1936 précipite les tensions. Les garnisons espagnoles au Maroc, élevées contre la République, sont suivies par les militaires. À Madrid, à Barcelone, le menu peuple prend les armes. Des milices se forment. La guerre civile a commencé. Aux foules des faubourgs s’ajoutent des athlètes venus des Olympiades populaires prévues en juillet (en réplique aux jeux Olympiques de Berlin), des exilés antifascistes rejoignant les milices des syndicats et des partis, des parias dans une Europe en proie aux dictatures. Naissent ainsi, et formées à la hâte, les centuries Thaelmann, Gastone-Sozzi et Commune-de-Paris tandis que Malraux fonde l’escadrille España, juste avant l’embargo d’août. Les factieux obtiennent l’aide militaire de Mussolini et de Hitler. Le conflit se fait international. La République espagnole demande vainement le soutien des démocraties occidentales. La politique de non-intervention l’emporte lâchement.

Un mouvement de solidarité apparaît tout de même. En France, au Mexique, en Hongrie et ailleurs. En septembre, l’Internationale communiste (le Komintern) décide de procéder à l’enrôlement de volontaires dans le monde entier. Ils afflueront à la mi-octobre et formeront les Brigades internationales. Pas moins de 35 000 braves. Militants professionnels ou amateurs, survivants de Verdun, anciens combattants, aventuriers, ouvriers, titis parisiens, juifs de Palestine ou de Varsovie, Albanais, Algériens, dockers new-yorkais, médecins, infirmières. Des communistes, des socialistes, des sans-parti. Tout ce que la solidarité compte de bras. Avec de l’enthousiasme et des convictions. La guerre civile espagnole est aussi l’histoire d’un élan fraternel unique.

Il existe un autre relais dans cette histoire, celui du photojournalisme, en plein essor. Les reporters se comptent par centaines, les photographes alimentent les agences, les cinéastes livrent des actualités. L’heure est aux journaux illustrés. Leica et Rolleiflex, appareils photo plus petits et maniables, sont acteurs d’un conflit qui se joue aussi sur le terrain de l’information. À Paris, le gouvernement espagnol soutient la création de Ce Soir, quotidien lancé par le PCF. Paris-Match ouvre ses pages. Livres et albums se multiplient (La Lucha del pueblo espanol por su libertad et Work and War in Spain sont les plus connus). Tête de pont parmi les photographes, Robert Capa. Certains de ses clichés symbolisent à eux seuls la guerre civile espagnole. Comme celui de cet homme foudroyé par une balle, dévalant une colline et qui fera la couverture de Death in the Making (traduire littéralement par « Mort dans l’action »), publié en 1938. Ou cet autre, métonymie des Brigades internationales, saisi à Montblanch, près de Barcelone, en octobre 1938, lors d’une cérémonie organisée pour le départ des brigadistes : le soldat est italien, le poing levé, et porte un foulard rouge. Aux côtés de Robert Capa, sa compagne allemande Gerda Pohorylles, dite Taro, tuée durant la bataille de Brunete en juillet 1937, David Seymour, dit Chim, Hans Namuth, Georg Reisner, Walter Reuter. Des Espagnols, Centelles et les frères Mayo. Soit une « brigade de photographes », selon l’expression de Cornell Capa (frère de), engagés et témoins pour Vu, Regards, Ce Soir ou l’Humanité...

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No pasarán ! Musée d’Histoire contemporaine, hôtel des Invalides, 129, rue de Grenelle, Paris VIIe, jusqu’au 14 juin.

Les Brigades internationales, images retrouvées, Michel Lefebvre, Rémi Skoutelsky, éd. Seuil, 45 euros (l’ouvrage, remarquablement écrit, souffre cependant d’une maquette beaucoup trop chargée, tuant malheureusement l’intérêt de chaque image).

 

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