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Disparition de Lise London

 L’ancienne résistante communiste Lise London est décédée à Paris samedi 31 mars à l’âge de 96 ans.  Elle sera enterrée au cimetière parisien d’Ivry sur Seine (Val de Marne) ce jeudi 5 avril à 10h30.

Née en 1916 et issue d’une famille d’immigrés espagnols et envoyée à Moscou par le parti communiste en 1934, elle y rencontre le Tchèque Artur London qu’elle épouse en secondes noces, après le résistant communiste et sportif Auguste Delaune. Elle participe alors à la création des Brigades internationales dans l’Espagne républicaine. Au début de la seconde guerre mondiale, elle devient capitaine dans la résistance et est arrêtée en août 1942 par la police française, déportée au camp de concentration de Ravensbrück puis à Buchenwald.

A la fin de la guerre, elle part à Pragues avec Artur London qui devient vice-ministre des affaires étrangères avant d’être arrêté en 1951, figurant parmi les quatorze accusés du procès de Prague en 1952. (Cette affaire a fait l’objet d’un livre, l’Aveu, porté à l’écran par Costa-Gavras avec Yves Montand et Simone Signoret dans le rôle du couple London).

« En participant à la création des brigades internationales, ces hommes et ces femmes qui se sont levés pour défendre la République espagnole contre la dictature franquiste, Lise London a été l’une des pionnières de la lutte contre le fascisme en Europe. Pour des générations de militants communistes dont je fais partie elle a été également l’une des figures les plus marquantes de la lutte contre le stalinisme, cette terrible perversion de l’idéal communiste. Malgré la violence subie par ses proches elle n’a jamais renoncé à son engagement. Lise London était une amie du Val-de-Marne. Ancienne résistante, elle a participé de nombreuses fois aux initiatives du Conseil général en direction des collégiens, sur le travail de mémoire. », a déclaré Christian Favier, président du Conseil général du Val de Marne, en réaction à son décès.

Lise London : « Soyez vous-mêmes, ouvrez les yeux »

« Soyez vous-mêmes, ouvrez les yeux »

 

Ce jour-là, dans la  cuisine de son appartement proche de la place de la Nation à Paris, Lise London me tendait une tasse de café affirmant tout de go : « En paraphrasant De Gaulle, je déclare que la vieillesse est un naufrage. » C’était il y a quinze ans. Lise London nous a quittés la semaine dernière à l’âge de quatre-vingt-seize ans. Elle ne manquait pas d’humour. Lorsqu’on l’interrogeait sur son engagement communiste, elle répliquait goguenarde : « C’est mon jour des citations. Comme Aragon, j’affirme que chaque matin je me repose la question de mon choix politique et … je ré adhère au PCF. »  Son engagement est resté intact jusqu’à sa mort.

On ne « récupère » pas une grande dame comme Lise London. On la respecte. Si on a l’autorisation, on l’embrasse, fort si possible, et on écoute s’égrener une page d’histoire que les moins de cinquante ans ne connaissent pas. La vie miséreuse dans les années trente des immigrés espagnols à la recherche de travail du côté de Vénissieux, la découverte du monde des salariés, les premiers contacts avec des responsables communistes, l’engagement dans les Brigades Internationales parties défendre la République espagnole, l’action contre l’occupant nazi, la déportation à Ravensbrück, la tragédie d’une famille communiste face au totalitarisme stalinien. Lise London, c’est tout çà. Pas seulement.

Lise, c’est aussi et surtout une histoire d’amour. Une passion pour Artur London, l’homme qu’elle a aimé à en perdre la raison, l’homme qu’elle a défendu bec et ongles contre l’ignominie stalinienne, l’homme qu’elle a sorti de prison, qu’elle a soigné, qu’elle a protégé et à qui elle a donné envie de vivre et de se battre à nouveau, l’auteur de « l’Aveu » anéanti par tant de cruautés retrouvant la force de témoigner et de combattre pour son idéal de toujours, le socialisme. Une telle femme ne peut laisser indifférent. Artur avait bien de la chance même si parfois la « Mégère de la rue Daguerre », du nom de la rue où eu lieu la première manifestation contre les nazis à Paris, affichait un caractère explosif à  décoiffer le plus placide de ses admirateurs. Madame n’était pas du genre « facile ».

Elle était curieuse de tout. Passés à la question, ses visiteurs ne sortaient jamais indemne de la rencontre. Elle était d’une gentillesse savoureuse et savait aussi distribuer durement les coups. Elle ne prétendait pas dispenser le bon savoir et encore moins la correcte attitude mais ne faisait jamais l’économie de la critique surtout à l’égard de ses camarades égarés. Les communistes français en savent quelque chose. Et au moment où cette grande dame nous quitte, je ne peux m’empêcher de penser qu’elle nous laisse quelques messages. Celle qui a tant souffert à Ravensbrück plaçait au premier rang de ses énergies la lutte contre le fascisme. Lors de la grande manifestation du 1 er mai 2002 alors que Le Pen frappait à nos portes, Lise London rejoignait, aidée de sa canne, le défilé refusant l’aventure brune.  Celle qui avait enduré dans sa chair le stalinisme et qui n’avait pas déserté son engagement de jeunesse invitait les nouvelles générations à  douter, à ouvrir les yeux, à ne pas s’enfermer dans des certitudes, à lutter contre la perversion des idéaux communistes. « Soyez-vous-mêmes », lançait-elle aux jeunes rencontrés dans les écoles  lors de multiples débats. Femme courage comme elle l’a démontré en Espagne contre les franquistes, à Paris contre les nazis, à Prague contre les staliniens, elle refusait la fatalité de l’ordre établi et clamait sa volonté de rester actrice de l’Histoire. L’ancienne petite immigrée de Vénissieux, la capitaine de la Résistance, la solidaire du camp de concentration, l’opposante aux totalitarismes, est restée jusqu’à sa mort une combattante contre l’injustice. Toutes les injustices.

José Fort  

 

Témoignage : Hommage à Lise London,

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Communiqué de presse

 

de

Laurence COHEN, Sénatrice du Val-de-Marne

 

Hommage à Lise London,

femme combattante face à la barbarie et à l’injustice.

 

C’est avec une vive émotion que j’ai appris la disparition de mon amie, notre camarade, Lise London.

Déportée, résistante, femme de convictions, d’engagement, Lise s’est battue toute sa vie pour l’émancipation humaine, contre la barbarie et l’injustice.

Ces valeurs, ces idéaux ont font d’elle une femme profondément communiste pour lui le renoncement n’avait pas de sens. Personne n'a pu oublier son émouvante déclaration au Congrès de Martigues quand elle décide de reprendre sa carte au PCF.

J’ai eu la chance, durant mon mandat de Secrétaire départementale du PCF Val-de-Marne de connaitre Lise et de tisser des liens avec elle.

C’est notamment suite à cette rencontre que j’ai choisi d’accueillir sur l’Espace départemental de la Fête de l’Humanité, le stand de l’ACER (association des amis des combattants de l’Espagne Républicaine) pour ne pas oublier le passé car mener cette analyse éclaire le présent et ouvre sur un avenir porteur d’espoir. Son soutien m’a confortée dans la responsabilité qui était la mienne.

La disparition de Lise laisse un vide profond, elle reste pour moi le symbole d’une femme rebelle qui n’a jamais renoncé à construire une société juste, fraternelle, solidaire où égalité rime avec liberté.

Un grand merci à cette grande dame qui continuera a nous accompagner dans tous nos combats.

Laurence Cohen

Sénatrice du Val-de-Marne

Secrétaire départementale du PCF 94 de 2000 à 2011.

Témoignage : Notre camarade Lise London n'est plus.

Notre camarade Lise London n'est plus.
Une
femme exceptionnelle n'est plus

(Pierre Laurent – PCF)

 

Née en 1916, à Montceau-les-Mines, de parents espagnols, Élisabeth Ricol était dotée d'un esprit d'une acuité rare qu'elle mit au service du combat pour l'émancipation humaine et contre la barbarie et l'injustice.

Jeune sténodactylographe aux usines Berliet de Vénissieux, Lise s'engage très tôt au Parti communiste français qui, dès 1934, la missionna auprès du siège du Komintern, à Moscou, où elle fit la rencontre de Dolorès Ibarruri, La Pasionaria, future secrétaire générale puis présidente du Parti communiste espagnol, mais aussi d'Artur London, un communiste tchèque qui allait devenir l'amour de sa vie et son deuxième époux, après Auguste Delaune. De ce séjour, exaltant, Lise garda cependant un goût plus qu'amer au spectacle humiliant et tragique des purges staliniennes, ne pouvant savoir qu'elle y serait elle-même confrontée quelques années plus tard, dans un tout autre contexte, en Tchécoslovaquie.

À son retour en France, à l'été 1936, Lise travaille comme secrétaire auprès du responsable de la MOI (Main-d’œuvre immigrée, section rattachée au comité central du PCF). Elle prend une part active à la mise en place des Brigades internationales de solidarité avec les Républicains espagnols, à Paris, puis à Albacete, au quartier général des Brigades internationales, auprès d'André Marty.

Ce fut un combat fondateur pour Lise et sa génération. À chacune de nos rencontres, je retrouvais en elle l'être libre, toujours aussi droit et digne, avec, dans les yeux, toute la tendresse et toute la force qui ont été siennes au long de son existence. Les épreuves traversées, les combats menés, n'ont fait que renforcer son humanité. Et grâce à elle, le monde fut à chaque fois un peu meilleur.

Rejointe à Paris par son époux, en février 1939, et jeune maman d'une fille née en février 1938, Lise est des premières à s'engager, sous les ordres d'Henri Rol-Tanguy, dans la Résistance, devenant capitaine des Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Poursuivie par l'Occupant pour « assassinat, association de malfaiteurs et activités communistes », Lise est arrêtée en août 1942 par la police française. Elle donne naissance à son fils en prison à La Petite Roquette, puis après un passage à Fresnes et à la prison de Rennes, elle est livrée aux Allemands pour être déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Elle s'y lie d'amitié avec Danielle Casanova et tant d'autres femmes qui n'en reviendront jamais. Les conditions inhumaines du camp de concentration, celles infligées aux membres de sa famille entière – son père, son frère eux aussi emprisonnés et à son mari, Artur, lui aussi déporté – n'auront pas raison d'elle. A La libération, Artur et Lise s'installent en Tchécoslovaquie qui doit se reconstruire ; Artur entre au gouvernement comme vice-ministre des Affaires étrangères.

L'épreuve qui les attendait en Tchécoslovaquie de 1951 à 1956 fut des plus tragiques. À ses procureurs staliniens, elle déclara : « J’étais, je suis et je resterai communiste, avec ou sans carte du Parti ». Sa résistance à la folie stalinienne prenant pour cible les anciens Brigadistes, et la solidarité des communistes français alertés par Raymond Guyot, auront raison de la terreur stalinienne. Libéré, Artur est enfin réhabilité en 1956. Revenus en France en 1963, le pays qu'ils ont libéré du nazisme et de la Collaboration, le pays qui a vu naître leurs enfants, Françoise et Michel, ils ne la quitteront plus.

« Ouvrez grands les yeux, ne vous laissez pas enfermer dans les certitudes, n’hésitez pas à douter, battez-vous contre les injustices, Ne laissez pas la perversion salir les idéaux communistes. Soyez vous- mêmes », dira notre camarade Lise London à ceux qui l'interrogeaient encore sur son engagement communiste présent.

« Ouvrez grands les yeux... soyez vous-mêmes » – Chère Lise, en chérissant ta mémoire, nous serons fidèles à ton injonction.

 

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

Paris, le 1er avril 2012

Lise London est décédée le 31 mars 2012

 

Notre chère et grande amie Lise London est décédée

Déclaration des Amis des Combattants en Espagne républicaine (ACER)

Notre chère et grande amie Lise London est décédée

dans la nuit de vendredi à samedi à Paris. Elle avait 96 ans.

Présidente d'honneur de l'ACER, elle a accompagné la création et le développement de notre association avec le même enthousiasme et la même pugnacité qu'elle mettait à toute chose.

Dans sa façon de parler de l'Espagne républicaine, de son travail pour les Brigades Internationales, nous ressentions

passer jusqu'à nous ce grand souffle de l’Histoire qui avait emporté tant d'hommes et de femmes sur la terre d'Espagne pour défendre des valeurs d'espoir, de démocratie et de paix.

Elle restait un des derniers acteurs de cette histoire, et jusqu'au bout elle a témoigné pour que l'on n'oublie pas, qu'on ne dénature pas ce magnifique élan de fraternité internationale que furent les Brigades Internationales, pour toujours associées au souvenir de son mari Gérard London. Leurs actions dans la Résistance leur valurent à tous les deux l’arrestation et la déportation.

Sa vie fut riche d'engagements pour de belles causes, et elle avait su traverser des moments tragiques, des moments d'angoisse avec un grand courage.

Notre affection va à Françoise, Gérard et Michel, ses enfants, à ses petits-enfants, à tous ses proches.

Chère Lise, toi qui étais de ceux qui se levèrent avant l'aube, nous te portons dans notre cœur à tout jamais.

 

Le Bureau  des « Amis des Combattants en Espagne Républicaine (ACER), 31 mars 2012

Les obsèques auront lieu jeudi 5 avril à 10h30 au cimetière parisien d'Ivry sur Seine, 44, avenue de Verdun.